Sans titre
(2004)
Found-Poem pour
Radio - 30'
|
Le
disque utilisé ici est un CD de bruitages pour la radio
ou la télévision. Cet article promotionnel vante
la diversité et le professionalisme d’une collection
de CDs du même type. Sur chacune des pistes on retrouve
un ou plusieurs sons séparés par des silences assez
longs pour permettre aux techniciens de découper et d’extraire
facilement ce dont ils ont besoin. |
Tous les sons
présents sur cette compilation sont travaillés de manière
à transmettre le plus efficacement possible ce qu’ils
sont censés évoquer. Ils sont : enregistrés,
édités, nettoyés, polis, compressés, isolés
et catalogués. Ce sont des outils de travail. Ils sont fonctionnels,
créent du sens sur demande, s’insèrent dans un
fil narratif et soulignent ou explicitent une action ou situation
particulière. On peut les superposer avec d’autres éléments
(voix, musiques, images...) et c’est même ce pourquoi
ils existent.
Malgré leur pouvoir signifiant exacerbé ils sont complétement
dépendants du contexte dans lequel on les insère. Ils
n’ont pas vocation à être écoutés
seuls, sauf par le technicien qui bénéficie du support
sur lequel ils sont rassemblés. Conçus pour un impact
maximum, ces outils sont méticuleusement extraits de notre
environnement, «améliorés», puis stockés
à l’ombre - où ils sont alors encore inopérants
- avant de réapparaitre dans l’univers audiovisuel médiatique,
cette fois-ci complétement efficaces, alimentés par
leur contenant / contexte immédiat.
Par définition l’espace radiophonique comprend tous les
endroits où la station est écoutée, une multitude
de lieux resonnants de leurs sonorités propres conjuguées
à celles de la radio. On y retrouve en permanence des échantillons-outils,
dans leur dernier état, accomplis et fonctionnels, participants
d'un continuum sonore convenu, où aucun silence n'est admis.
La diffusion dans l’espace radio du disque brut, avec ses pauses
entre les bruitages et l'absence d'intention dans leur enchaînement
est une façon de questionner l'usage d'un medium et l'élaboration
du flux qui le constitue. Les sons stockés, normalement, ne
se situent nulle part, ils n’existent que dans un tiroir numérique
inconsistant, vidés de leur contexte spatial et temporel, vierges
de leurs futures affectations et flottants entre deux plages de silence.
Radiodiffusés, ces ectoplasmes sonores cherchent des lieux,
des instants, rencontrent d’autres sons, images, puis parlent
ou restent silencieux.
Diffusé sur Radio Bip FM en novembre 2004 pour CRAPS.